L’informatique pivot de tous les métiers dans toutes les entreprises
L’informatique, qu’on le veuille ou non, est déjà devenue une compétence obligatoire pour toutes les entreprises, même si des débats enflammés ont eu lieu sur ce sujet par le passé. Le numérique (dans son acception la plus large) s’est infiltré dans les moindres recoins des entreprises, n’épargnant aucun secteur ni aucun métier, comme nous l’avons expliqué en détail dans le livre « le digital expliqué à mon Boss ». Mais depuis le IT doesn’t matter de Nicholas Carr de 2002, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Au point de faire dire à certains que l’informatique est devenue le métier de toutes les entreprises. Voyons ici pourquoi la situation s’est complètement inversée en à peine vingt ans au point de contredire totalement Nicholas Carr.
Nicholas Carr en 2003 : « l’informatique n’a aucune importance » (IT doesn’t matter)
Nicholas Carr a décrit (en 2003) un avantage concurrentiel par l’IT éphémère et friable.
Si l’on suit le raisonnement du fameux professeur du MIT Nicholas Carr, au fur et à mesure que les entreprises innovent avec la technologie, la concurrence est contrainte de s’aligner pour ne pas décrocher. Le temps et le coût de développement d’un projet informatique diminuant grâce à l’avancée technologique (cloud computing, Big Data, IA…) et méthodologique (open source, DevOps…). La réactivité des entreprises n’en est que meilleure.
Mais le temps ne lui a pas donné raison, l’IT joue un rôle crucial dans le commerce.
Au point que, selon Nicholas Carr dans son livre éponyme « IT Doesn’t Matter ? », déjà vieux de 15 ans, la technologie ne permettait pas de creuser l’écart avec la concurrence puisque celle-ci s’emparera immédiatement des dernières innovations technologiques des leaders pour se remettre à niveau.
Pourtant, l’innovation par la technologie est possible, et l’histoire récente a démontré comment des géants de la tech arrivaient à mettre tous les acteurs d’un marché dans le vent par le simple fait de maîtriser une technologie qui paraissait simple à copier. C’est que la logique de plateforme a changé la donne en renversant totalement l’adage de Nicholas Carr : IT does matter pourrait-on dire. Le célèbre professeur du MIT a été démenti dans le temps. Certes, me direz-vous, la prise d’avantage concurrentiel par la technologie est surtout le fait des fameux « Gafam » (un vocable qu’on aime haïr en France en même temps qu’on en est les plus gros utilisateurs comme le soulignent Calan et Cauchard). Mais d’autres exemples existent, je vais en choisir un qui est contre-intuitif.
Un robot mixeur ou un ordinateur qui cuit ?
Tout le monde connaît le fameux Thermomix de Vorwerk (une vénérable maison de la fin du 19e siècle), mais qui sait que cette machine a été inventée dans la filiale française du constructeur allemand en… 1961 ? Elle connut un certain succès dans les années 1970, mais ce qui fit que ce robot mixeur et chauffant a été un véritable hit des têtes de gondoles de ces dernières années est son carnet de recettes, et son écran tactile avec connexion et accès direct aux recettes. La firme d’électroménager a su, au travers de l’informatique et de sa base de données de contenus exclusifs, créer un avantage concurrentiel certain, et le succès est tel que l’usine du centre de la France est encore en pleine expansion.
Reprenons depuis le début
Le métier des entreprises devient donc l’informatique, cela peut paraître en contradiction avec la logique, et pourtant. Avez-vous regardé une publicité d’Audi récemment ? (Et je pourrais citer bien d’autres fabricants du même type). Vous vend-on l’équipement électronique du véhicule ou le véhicule lui-même ?
Si le métier des entreprises s’oriente donc bien vers l’informatique, il est toutefois rare que celles-ci s’y aventurent seules. Les tentatives ratées sont autant de rappels à l’ordre, et s’entourer de spécialistes permet d’opérer ce virage, tout en se concentrant sur son cœur de métier.
Pour ce deuxième billet de notre dossier sur l’environnement du travail, l’équipe de Visionary Marketing a interviewé Éric Tavidian, co-fondateur de Selceon. Éric fait partie, avec Max Petit, l’autre co-fondateur de Selceon, de la petite équipe qui a eu la vision de la virtualisation du poste de travail il y a plus de 20 ans. Pour lui aussi, le rôle de l’IT dans le business a radicalement changé. IT does matter !
Quand informatique rime enfin avec valeur client
L’informatique n’est pas une nouvelle technologie, mais il a fallu attendre plusieurs décennies avant de la voir apporter une véritable valeur et s’imposer comme une nécessité. « Si l’on regarde en arrière depuis la création de l’informatique, elle n’a seulement fait plus vite ce que sait déjà faire l’homme », explique Éric Tavidian. « La nouveauté dans l’IT, ce que l’on appelle communément la transformation digitale, c’est la prise de conscience des directions générales que l’entreprise peut, avec l’outil informatique, créer de la valeur ». La combinaison de plusieurs technologies arrivant à maturité a rendu la création de la valeur possible : L’Internet, généralisé depuis presque 30 ans, les Big data et le cloud computing dans les années 2010, et désormais ce que l’on appelle l’intelligence artificielle.
Des métiers épargnés qui résistent encore et toujours à l’informatique ?
On pourrait penser que ces changements se cantonnent dans des métiers où la technologie occupe une place prépondérante, et que les métiers plus traditionnels (citons par exemple les professions de boucher, de paysagiste, et parmi les professions libérales, les avocats, les comptables etc.) sont peu impactés. Il n’en est pourtant rien. Ces professions, pourtant séculaires, doivent impérativement penser à changer leurs modèles et à utiliser l’informatique pour réinventer leurs métiers. Ainsi, les petits commerçants peuvent envisager l’avenir différemment, en mettant leurs produits en vente sur Amazon. Les commerces de proximité, après avoir connu la concurrence des grandes surfaces, vivent désormais avec celle du e-commerce. Certains petits commerçants ont pourtant saisi l’occasion pour proposer au client de nouveaux moyens de consommer ; comme le web-to-store et le click-and–collect.
Redynamiser les centres-villes grâce à Internet
Ce qui permet, par exemple à un commerçant breton d’art de la table, de mettre à disposition une vitrine virtuelle relayée sur Instagram pour trouver de nouveaux clients, ou à des boutiques de centre-ville de proposer le click-and-collect. L’intérêt de ces petits commerçants pour le numérique est tel qu’on parle même de redynamiser les centres-villes grâce à l’Internet : loin de se morfondre, le petit commerce montre au contraire depuis quelques années des signes de vitalité.
Ces domaines bousculés par le numérique
D’autres métiers comme ceux du vin commencent à ressentir les premiers effets du numérique, principalement via l’arrivée de plateformes de vente de vins (Vivino, Winewoo, Wineadvisor…).
Celles-ci remettent en question le fonctionnement traditionnel de ce secteur et le rôle de chaque acteur, qu’il soit producteur, vendeur, ou intermédiaire. « On ne va pas demander au boucher ou au producteur de comté de devenir des experts en informatique », nuance Éric Tavidian.
« Ils doivent néanmoins choisir les bons partenaires qui vont les accompagner et faire en sorte que l’informatique crée de la valeur pour leur entreprise ».
Des projets qui s’accélèrent… Pour peu que l’on adopte la bonne approche
La valeur apportée par l’informatique se traduit également par une nette accélération du rythme des projets au sein des entreprises. « Si l’on regarde au début des années 80, on mettait en œuvre un système d’information avec des temps d’amortissement de 20 ans », nous rappelle Éric Tavidian. « On a peu à peu atteint des cycles d’amortissement de 10, puis 5 ans, grâce à des technologies comme le client-serveur. Avec les nouvelles technologies de développement et les méthodes dites agiles, la mise en place des systèmes d’information se fait en quelques mois, quelques semaines, voire quelques jours ». Ainsi, plus le temps de la mise en place des systèmes d’information est court, plus ils apportent de la valeur à l’entreprise. Ainsi, dans les grandes entreprises où on prévoyait toujours de revenir en arrière en cas de défaut à la mise en œuvre d’un nouveau système (« always roll-back »), on a changé complètement de méthode en laissant les défauts et en se donnant du temps pour les corriger en temps réel (« always roll-forward »).
Réussir un projet IT n’est pas qu’une question de moyens
La durée des projets informatiques a beau diminuer, encore faut-il les réussir, et cela n’est pas qu’une question de moyens. En effet, selon le Standish Group qui analyse depuis 1994 plus de 40 000 projets informatiques privés et publics, la réussite d’un projet est inversement proportionnelle au montant investi dans celui-ci. Le dernier rapport datant de 2014 indique que le taux de réussite des projets de plus de 10 millions de dollars ne dépasse pas les 8 %, quand les projets de moins d’un million de dollars atteignent les 70 % de réussite. Par ces résultats, le Standish Group démontre que la solution idéale pour les entreprises n’est pas de tout réinventer par un projet informatique pharaonique, mais de construire brique par brique, petit projet par petit projet. Le cabinet de conseil annonce également qu’une telle approche est plus que jamais possible, avec notamment DevOps et les architectures orientées service.
Comment valoriser son informatique au sein de l’entreprise ?
Si le métier de toutes les entreprises est l’informatique, il est important que l’environnement de travail soit à la hauteur. « L’utilisateur, lui, ne jugera la performance et la pertinence de son SI qu’à travers la qualité de son environnement de travail qui est mis à sa disposition, c’est à dire qu’il soit performant, qu’il lui permette une grande ouverture avec de la continuité de service », nous explique Éric Tavidian. « Il doit pouvoir interagir avec son SI, quel que soit l’endroit où il se situe, quelle que soit l’heure et quel que soit son environnement technique ».